vendredi 27 novembre 2015

Une laïcité divine



Une laïcité divine


Depuis que le Christ a fixé la règle de la laïcité – « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », prenant prétexte de ce que les fidèles étaient aussi leurs sujets (ou leurs concitoyens), les princes de ce monde n’ont guère manqué de confondre, sans amour, les deux cités ; imités en cela, soyons honnêtes, par certains princes de l’Église. Comment comprendre, dès lors, cette « saine et légitime laïcité de l’État », selon l’expression de Pie XII, résumant la traditionnelle distinction des deux pouvoirs ?

C’est à cette question que s’est attelé Carlos Hage Chahine, catholique et Libanais, dont l’origine lui a donné d’être confronté, au quotidien, à cette question. La laïcité de l’État et sa contrefaçon est un ouvrage bien écrit (et bien fabriqué, ce qui ne gâche rien), dont l’érudition vient souligner l’équilibre du mot d’ordre christique. Chacun demeure maître chez soi, même si, la cité spirituelle devant survivre à la cité temporelle dans l’autre monde, sa finalité lui donne préséance.

Difficile pourtant de faire admettre cette verticalité, quand l’opinion d’un grand nombre stigmatise comme une contradiction absolue, l’idée d’une deuxième dimension des pouvoirs.


 De citations des papes en travaux de penseurs – Jacques Maritain, Marcel De Corte, Charles De Koninck, Michel Villey, dont il est familier, et Jean Madiran, dont il fut comme un fils intellectuel – Carlos Hage Chahine montre que l’Église a toujours défendu une distinction faite non d’opposition, mais de complémentarité entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel.

Dès lors, lorsque la laïcité se fait contradiction, elle n’est plus nature mais idéologie : le laïcisme, qui n’est, nous dit le sous-titre de l’ouvrage, que la « contrefaçon » – comme tous les totalitarismes en définitive – de cette légitime et saine laïcité. Et qui retrouve, par delà l’opposition des genres, la confusion dominatrice d’une théocratie à quoi se limite l’islam. Et c’est bien parce que le Liban, malgré certains avatars, est fondé sur cette distinction sans séparation que l’auteur le nomme « dernier État laïc de la planète ».

Une laïcité qui est, avant tout, un équilibre – parfois délicat selon les vicissitudes du temps. Individu appartenant à une cité, partie d’un tout, l’homme doit, tout entier parfois, coopérer au bien commun de sa patrie ; créature rachetée, doué d’une âme immortelle, il est en outre destiné à une fin éternelle, Dieu. Et la cité terrestre ne saurait l’en distraire, encore moins l’en détourner. Car, à la fin, tout est à Dieu, y compris César…

Olivier Figueras
 
Carlos Hage Chahine, Pouvoir spirituel, pouvoir temporel – La laïcité de l’État et sa contrefaçon. Éditions C. & N. Hage Chahine, 336 pages. Édité en 2014 au Liban, l’ouvrage est désormais disponible en France, auprès de l’abbaye du Barroux : www.barroux.org

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