Une
laïcité divine
Depuis que le Christ a
fixé la règle de la laïcité – « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce
qui est à Dieu », prenant prétexte de ce que les fidèles étaient aussi leurs
sujets (ou leurs concitoyens), les princes de ce monde n’ont guère manqué de confondre,
sans amour, les deux cités ; imités en cela, soyons honnêtes, par certains
princes de l’Église. Comment comprendre, dès lors, cette « saine et légitime
laïcité de l’État », selon l’expression de Pie XII, résumant la traditionnelle distinction
des deux pouvoirs ?
C’est à cette question
que s’est attelé Carlos Hage Chahine, catholique et Libanais, dont l’origine lui
a donné d’être confronté, au quotidien, à cette question. La laïcité de l’État
et sa contrefaçon est un ouvrage bien écrit (et bien fabriqué, ce qui ne gâche
rien), dont l’érudition vient souligner l’équilibre du mot d’ordre christique. Chacun
demeure maître chez soi, même si, la cité spirituelle devant survivre à la cité
temporelle dans l’autre monde, sa finalité lui donne préséance.
Difficile pourtant de
faire admettre cette verticalité, quand l’opinion d’un grand nombre stigmatise comme
une contradiction absolue, l’idée d’une deuxième dimension des pouvoirs.
De citations des papes
en travaux de penseurs – Jacques Maritain, Marcel De Corte, Charles De Koninck,
Michel Villey, dont il est familier, et Jean Madiran, dont il fut comme un fils
intellectuel – Carlos Hage Chahine montre que l’Église a toujours défendu une
distinction faite non d’opposition, mais de complémentarité entre pouvoir temporel
et pouvoir spirituel.
Dès lors, lorsque la
laïcité se fait contradiction, elle n’est plus nature mais idéologie : le laïcisme,
qui n’est, nous dit le sous-titre de l’ouvrage, que la « contrefaçon » – comme
tous les totalitarismes en définitive – de cette légitime et saine laïcité. Et
qui retrouve, par delà l’opposition des genres, la confusion dominatrice d’une
théocratie à quoi se limite l’islam. Et c’est bien parce que le Liban, malgré
certains avatars, est fondé sur cette distinction sans séparation que l’auteur
le nomme « dernier État laïc de la planète ».
Une laïcité qui est,
avant tout, un équilibre – parfois délicat selon les vicissitudes du temps. Individu
appartenant à une cité, partie d’un tout, l’homme doit, tout entier parfois,
coopérer au bien commun de sa patrie ; créature rachetée, doué d’une âme
immortelle, il est en outre destiné à une fin éternelle, Dieu. Et la cité
terrestre ne saurait l’en distraire, encore moins l’en détourner. Car, à la
fin, tout est à Dieu, y compris César…
Olivier Figueras
Carlos
Hage Chahine, Pouvoir spirituel, pouvoir temporel – La laïcité de l’État et sa
contrefaçon. Éditions C. & N. Hage Chahine, 336 pages. Édité en 2014 au
Liban, l’ouvrage est désormais disponible en France, auprès de l’abbaye du Barroux : www.barroux.org